Le lendemain du jour de Noël 2021, à contre-pied d’une actualité très morose, les Tevodas (divinités féminines du panthéon hindouiste) se sont penchées sur les derniers pachydermes de Ratanakiri et leur ont fait cadeau de taille : le premier éléphanteau né à l’état domestique au Cambodge depuis une trentaine d’années !
Cette naissance a pris tout le monde par surprise, notre équipe avait bien sur noté les rondeurs nouvelles d’Ikeo ainsi que l’augmentation du volume de ses mamelles mais les tests de prolactine réalisés en laboratoire à Phnom Penh s’étaient révélés négatifs, aussi en avions-nous conclu que l’inaction due au Covid était néfaste à la ligne de notre belle éléphante…
Or, dans la nuit du 25 au 26 décembre 2021, Ikeo a donné naissance à une ravissante petite de 96 kilos. L’histoire aurait pu fort mal se passer car le bébé éléphant fut retrouvé au matin en lisière de forêt, à l’ombre d’un arbre. Attrapée par des voisins elle fut ensuite violemment attaquée par une Ikeo traumatisée par une mise-bas en solitaire et ne reconnaissant plus l’odeur de son bébé.
Les premiers temps furent donc particulièrement chaotiques, beaucoup d’angoisse et de travail s’en sont ensuivis pour toute l’équipe qui fut présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre au chevet de Noëlle, la nourrissant au biberon, dormant à ses côtés et faisant de son mieux pour permettre à la relation mère-fille de démarrer sereinement.
Différentes stratégies furent essayées, les progrès allèrent croissant et puis la forêt de Katieng fut le lieu où le miracle s’accomplit, laissées à elles-mêmes sous la vigilance des cornacs, Ikeo et Noëlle surent tisser le lien et la petite commença à téter sa maman qui mangeait sereinement les plantes sauvages convenant à son état.
Il avait fallu huit jours…
Depuis lors, tout va mieux, le poids de Noëlle augmente régulièrement, elle est de plus en plus vive et agile, se sert de mieux en mieux de sa trompe, fait beaucoup de bêtises et répand la joie partout autour d’elle.
N’est-ce pas d’ailleurs ce que nous avait promis le chef des bonzes de la pagode de Wat O Cheng à Ratanakiri au troisième jour de la naissance de Noëlle, « cette petite survivra, elle possède une très haute « boramey », et apportera le bonheur et la prospérité à tous ceux qui prennent soin d’elle.
Noëlle passe dorénavant toutes ses journées en forêt avec maman, découvrant les plantes comestibles et celles qui ne le sont pas, comment se protéger de la chaleur, apprenant de la sorte les rudiments de la condition d’éléphant.
De nombreuses épreuves attendent encore Noëlle ainsi que toute l’équipe d’Aïravata, la santé d’un bébé est comme une petite bougie livrée à la brise, il nous appartient de la protéger de toutes nos forces, nous travaillons donc en liaison constante avec les meilleurs spécialistes des éléphants pour faire face aux défis à venir.